Face aux
critiques - versets du Coran à l'appui - qui dénoncent l'islam comme étant une
théologie politique totalitaire, intolérante et violente, les penseurs et
exégètes musulmans répondent que l'islam ne prône nullement la coercition mais
qu'il est une religion tolérante, voire pacifique, et que tout un chacun est
libre d'adhérer à la religion de son choix.
Et pour le démontrer, ils citent le verset 256 de la Sourate 2 du Coran.
Le voici, en
arabe, suivi de sa traduction française telle qu'on la trouve dans la
quasi-totalité des traductions dites "officielles" du Coran :
لَا إِكْرَاهَ فِي الدِّينِ قَدْ تَبَيَّنَ الرُّشْدُ مِنَ الْغَيِّ فَمَنْ يَكْفُرْ بِالطَّاغُوتِ وَيُؤْمِنْ بِاللَّهِ فَقَدِ اسْتَمْسَكَ بِالْعُرْوَةِ الْوُثْقَى لَا انْفِصَامَ لَهَا وَاللَّهُ سَمِيعٌ عَلِيمٌ
Nulle
contrainte en religion ! La droiture s’est distinguée de l’égarement. Donc,
quiconque nie le Diable et croit en Allah, alors il saisit l’anse la plus
solide qui ne s'y brisera pas. Et Allah est audient et savant.
La lecture
de ce verset soulève quelques questions :
1. La traduction proposée est-elle fidèle au texte coranique
ou une manipulation destinée aux locuteurs occidentaux qui ignorent l'arabe ?
2. S'agit-il bien de "liberté de croyance" dans ce
verset, ou faut-il le comprendre autrement ?
3. Ce verset semble contredire d'autres versets du Coran qui
prohibent l'apostasie (la possibilité pour un musulman de se convertir à une
autre religion) ou qui interdisent la "mécréance" (les croyances
non-monothéistes). Est-il donc "abrogé" par les autres versets ?
En fait,
pour répondre à toutes ces questions, il suffit de répondre à la première. Et
pour cela, nous présenterons la transcription phonétique du verset en lettres
latines, afin que le lecteur non arabophone puisse suivre le texte mot à mot.
Et ensuite, nous proposerons une traduction littérale - tel que le texte arabe
apparaît-, c'est-à-dire sans majuscules, sans ponctuations, sans modifications
ou autres fioritures ajoutées par les traducteurs, que voici :
لَا إِكْرَاهَ فِي الدِّينِ قَدْ تَبَيَّنَ الرُّشْدُ مِنَ الْغَيِّ فَمَنْ يَكْفُرْ بِالطَّاغُوتِ وَيُؤْمِنْ بِاللَّهِ فَقَدِ اسْتَمْسَكَ بِالْعُرْوَةِ الْوُثْقَى لَا انْفِصَامَ لَهَا وَاللَّهُ سَمِيعٌ عَلِيمٌ
Transcription phonétique :
la ikraha fiy al diyn qad
tabayana al rushdu min al ghay faman yakfur bi al tâghuwt wa yumin bi
allah fa qad istamsak bi al ’urwat al wuthqa la infiçam laha wa allah sami'
‘aliym
Traduction
littérale :
pas
d'investigation dans le jugement déjà a été discernée la rectitude de la
tortuosité et celui qui bouche l'erreur et croit en allah alors déjà attrape
l'anse solide qui ne s'y fracassera pas et allah est audient savant
Notons dans
le verset les trois expressions suivantes, accompagnées de leurs traductions
littérales :
1. la ikraha fiy al diyn = pas d'investigation
dans le jugement :
Le terme ikraha
ne signifie nullement "contrainte". Il vient d’une racine verbale
hébraïque et araméenne KRH, qui signifie "creuser", “faire une
excavation”, "fouiller", donc "rechercher" ou “investiguer”
en termes juridiques. Il est donc, d’après le Coran lui-même, interdit
d’enquêter sur le Coran et de remettre en cause l’islam.
La
traduction de ikraha par contrainte, est donc erronée !
Quant à diyn,
traduit communément par religion, il vient aussi d'une racine verbale
hébraïque et araméenne DWN qui signifie "juger", "rendre
un verdict", "prononcer une sentence", "décider
d'un arbitrage" etc… comme par exemple dans le verset biblique tiré du
Livre de la Genèse où Jacob le patriarche bénit Dan, un de ses douze fils : dan
yadiyn 'amo ke ehad shibtey israel (Traduction : Dan jugera son peuple
comme l'une des tribus d'Israël.)
Le concept
de "religion" - dans le sens de Foi ou de Croyance - est totalement
étranger à l'hébreu de la Bible et donc à l'arabe du Coran, qui a emprunté au
Pentateuque ("la Torah de Moïse") une grande partie de son
vocabulaire. Pour dire "Foi", la Bible hébraïque fait usage du terme
"amen" ("vérité", "confiance",
"adhérence", "confirmation"), et certainement pas du mot
"din". Et il en est de la sorte dans le Coran. Et d'ailleurs
le Coran fait usage du même terme hébreu "aman" (amen) pour dire
"foi", "croyance", "vérité", etc… Notons que le
christianisme fait également usage de cet "amen" hébraïque dans la
liturgie.
Dans ce
verset du Coran, de même que ikraha est un terme juridique, din
est directement pris de la procédure du tribunal, et donc du domaine de la
juridiction.
Quelles sont
alors les raisons occultes qui ont incité les traducteurs du Coran à rendre "ikraha"
par "contrainte" au lieu d'investigation et "din"
par "religion" à la place de jugement ?
Ne
sommes-nous pas alors en droit de conclure que toutes les traductions
françaises du Coran sont volontairement falsifiées ?
Et si
falsification du Coran il y a, ne faut-il pas la dénoncer en tant que telle ?
Ne faudrait-il pas aussi réparer ces graves "entorses" au texte, et à
tout le moins ne plus leur permettre de s’afficher insidieusement par le biais
de l’usage de versets manipulés - y compris le verset 256 de la Sourate 2 -, et
martelés par certains propagandistes musulmans, afin d'abuser les occidentaux
et leur faire croire à une pseudo tolérance de l'islam ? Or d'autres versets,
démasquent justement l'intolérance implacable du Coran, de la législation
d’Allah et de son immuable juridiction appelée Shari’a, en usage
jusques aujourd’hui dans les Etats musulmans ! Voici un exemple (Verset
39, Sourate 9) :
قَاتِلُوا الَّذِينَ لَا يُؤْمِنُونَ بِاللَّهِ وَلَا بِالْيَوْمِ الْآخِرِ وَلَا يُحَرِّمُونَ مَا حَرَّمَ اللَّهُ وَرَسُولُهُ وَلَا يَدِينُونَ دِينَ الْحَقِّ مِنَ الَّذِينَ أُوتُوا الْكِتَابَ حَتَّى يُعْطُوا الْجِزْيَةَ عَنْ يَدٍ وَهُمْ صَاغِرُونَ
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Traduction littérale :
Tuez ceux qui ne croient pas en allah et ni
au jour dernier et qui ne prohibent pas ce qu'a prohibé allah et son envoyé
et qui ne décrètent pas selon le décret de la loi parmi ceux à qui ont été
données les écritures jusqu'à ce qu'ils payent la capitation de leurs mains
et qu'ils soient humiliés
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Ce ne sont donc pas seulement les "mécréants" -
athées, agnostiques, animistes, ou polythéistes -, et ni non plus les
"apostats de l'islam" qui ont "osé" adhérer à une religion
autre que l'islam -, qui sont menacés de condamnation à mort par la juridiction
musulmane !
Même les juifs et les chrétiens - pourtant monothéistes-!,
risquent la sentence capitale s'ils s'avèrent "récalcitrants à la
"législation d'Allah", en ne s'acquittant pas de l'impôt
discriminatoire auquel ils sont astreints et dont sont exemptés les musulmans.
Evidemment !
Il n'y a donc pas de contradiction entre d'une
part le verset 256 de la sourate 2 qui selon les traductions françaises prônent
la tolérance ("nulle contrainte en religion") et le verset 39 de la
sourate 9 qui est radicalement intolérant ("Tuez ceux qui ne croient pas
en Allah"). Les deux versets se complètent et s'expliquent l'un l'autre !
Le Coran non seulement ne laisse aucune
liberté de conscience et de croyance, mais prône la mort et l'humiliation de
tout non-musulman !
Post scriptum : Le verset 39 de la sourate 9 indique bien que
le mot "diyn" ne signifie pas "religion" (selon les
traductions françaises du Coran), mais "décret", donc "jugement"
dans le cadre de la loi.
Verset 39, sourate 9 : دِينَ الْحَقِّ
("diyn el haq") = "décret de la loi"
Verset 256, sourate 2 : الدِّينِ
("el diyn") = "le décret", qui nous donne
sans l'article (el en
arabe : ال ) : دِّينِ = "décret".
David A. Belhassen
Bonsoir David,
RépondreSupprimerNe serait-il pas possible de considérer que la traduction de "dyn" par religion en arabe ne vienne pas d'une falsification volontaire mais plutôt du fait que le droit en islam est totalement imbriqué à la religion, la loi sur terre étant celle de dieu. Si bien que droit/jugement se confond avec la religion.
Aussi lorsqu'on parle de "dyn" en arabe, fait-on référence au tribunal comme en hébreu ou bien plutôt à la religion, c'est-à-dire à dieu, à la croyance, ou bien encore les deux sont-ils tellement indissociables que les traducteurs ont traduit en une langue que les Occidentaux puissent comprendre?
Francis
Bonjour Francis. Vous avez tout à fait raison de dire que dans l'islam "le droit est totalement imbriqué à la religion, la loi sur terre étant celle de dieu. Si bien que droit/jugement se confond avec la religion." Mais en occident d'aujourd'hui, avec la laïcité ambiante et la séparation de "l'Eglise et de l'Etat", traduire "dyn" par "religion", induit (volontairement) en erreur ! Le lecteur francophone se réfèrera alors automatiquement à l'acception du terme "religion" tel qu'il le comprend de nos jours, et arrivera à des conclusions erronées concernant "la liberté de croyance dans le Coran". Ce qui n'est pas du tout le cas ! Et ceux qui ont traduit "dyn" par "croyance" le savent pertinemment ! Une bonne traduction est celle qui évite ce genre d'erreur et d'anachronisme en restituant le véritable sens d'un mot en langue étrangère, et si possible dans son contexte.C'est pourquoi, il est préférable de traduire "dyn" par "jugement", "décret", "sentence", "verdict", "légifération" etc...
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