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L'imposture du Shabbat



Le substantif "shabbat" est mentionné dans la Bible une centaine de fois. Ce chiffre qui semble considérable de prime abord, l'est beaucoup moins lorsqu'on y regarde de plus près.

En effet, on ne trouve le substantif "shabbat", en tant que "jour sanctifié", uniquement dans 11 livres sur les 31 livres (y compris ceux des "petits prophètes") que contient la Bible ! Les 20 autres livres de la Bible ne le mentionnent jamais !

Il est particulièrement significatif que les livres bibliques les plus anciens, c'est-à-dire ceux dont la rédaction date du XIème-IX siècle avant EC (comme le livre des Juges et le livre de Samuel) ignorent totalement le shabbat ! Le livre de Ruth non plus ne sait pas ce qu'est le shabbat. Or, si le shabbat existait à l'époque de ces livres, il est impossible qu'ils ne l'aient point évoqué, ne serait-ce qu'en passant, ne serait-ce qu'involontairement. D'autant plus, que le Pentateuque "matraque" l'existence du shabbat, de ses interdits, des punitions à qui le transgresse,  quasiment à chacune de ses péricopes !

Voyons cela en détail :
Sur la centaine d'occurrences de "shabbat" dans la Bible, près de la moitié (soit 45 fois !) se trouve dans le Pentateuque (La "Torah"); 15 fois dans le livre de Yhezq'el ('Ezékiel); 15, dans le livre de Nehemyah (Nehémie); 10 dans le livre des Chroniques; 5 dans le livre des Rois; 5 dans le livre de Ysha'yahou (Esaïe); 5 dans le livre de Yrmeyahou (Jérémie); et une seule fois dans les livres des Psaumes, des Lamentations, de Hoshe'a (Osée), et de 'Amos !
Quant au diminutif de "shabbat" = "shabbaton", on trouve seulement 11 occurrences, toutes dans le Pentateuque !

Avant de nous pencher sur ce que révèlent ces chiffres, faisons une digression sur la signification de "shabbat".

C'est un substantif tiré de la racine hébraïque tri-consonantique ShBT, qui signifie "cesser". "Shabbat" peut donc être traduit en français par "cessation", et en particulier "cessation d'activité".

Cette racine verbale n'a aucun lien, ni sémantique, ni étymologique, et ni grammaticale avec la racine ShB'A (avec la consonne gutturale 'A), qui signifie à la fois "prêter serment" et "compter jusqu'à 7". Ce chiffre sept – en hébreu Sheba' – une fois décliné au possessif, donne shib'at ou "shabb'at". Et là, "l'étymologie populaire" a pris le relais.
L'étymologie populaire est à l'étymologie scientifique, ce que l'astrologie et l'horoscope sont à l'astronomie : une fantaisie d'incultes qui voit dans certaines coïncidences homonymiques une parenté sémantique, voire synonymique.
Ainsi, en français, l'étymologie populaire fait un rapprochement sémantique entre "pin" et "pain", en affirmant que le pain à la forme d'un pin;  entre "sain" et "saint", en prétendant que quiconque est sain de corps est aussi saint d'esprit ; entre " différend" et "différent", en insinuant qu'entre deux personnes d'horizons différents, il y aura obligatoirement des différends ; entre "mal" et "mâle", lorsque telle féministe jurera ses grands dieux que le mâle est la racine du mal (et vis-versa) ; entre "mots" et "maux", lorsqu'un quidam médecin paraphrasera Marcel Camus avec un soupçon de malice sur "le mauvais usage des maux qui ajoute au malheur du monde" ; ou encore entre "chœur" et "cœur", lorsqu'un homme d'Eglise vous dira en souriant benoîtement que les "enfants de chœur" sont le "coeur" de la foi chrétienne; etc...

Ce penchant - une élucubration, il faut bien le dire -, se trouve dans toutes les langues !  En italien comme en anglais, en finnois comme en russe, en français comme en hébreu ! Et parfois, cette appétence à la confusion sémantique de "l'étymologie populaire" liée à l'homonymie, reçoit ses "lettres de noblesse", lorsqu'un texte sacré en a fait usage !

Dans la Bible par exemple, le nom de Noé (en hébreu, noah, qui signifie sérénité) est associé au sens de consolation (en hébreu naham), suite à une (quasi) homonymie. (Voir Genèse 5, 29)

C'est aussi ce qui se passa entre shabbat = cessation, et shabb'at = sept, ce qui induisit l'idée que "Dieu se reposa le septième jour".

Cependant, la division en "semaines" de sept jours ne vient pas des Hébreux. Elle est commune à pratiquement tous les peuples de la région : Babyloniens, Assyriens, Chaldéens etc...

Cette division se fondait à l'origine sur le visu des phases lunaires. En effet le cycle lunaire qu'on peut suivre à l'œil nu, est de 28 jours.

Ce cycle se divise ainsi :
1. Du filament de la “nouvelle lune” jusqu'au septième jour = Premier quartier jusqu'à la moitié de lune croissante.
2. Du 8ème au 14ème jour : Deuxième quartier jusqu'à la pleine lune.
3. Du 15ème au 21ème jour : Troisième quartier décroissant jusqu'à moitié de lune.
4. Du 22ème au 28ème jour : Quatrième quartier jusqu'à disparition complète de la lune.

Ensuite durant un jour ou deux, la lune était invisible. Et puisque qu'elle était invisible, les jours sans lune n’entraient pas dans le comput, et cela jusqu'à la réapparition de la nouvelle lune !

Ce jour de pleine lune s'appelait en babylonien "shappatu". On ne connaît guère l'étymologie exacte de ce terme, mais il semble qu'elle soit proche de la racine verbale hébraïque ShBT (cesser), du fait qu'à partir du 14ème jour, donc la pleine lune, celle-ci cesse de croître.

C'est à partir de cette acception de "pleine lune" et de "cessation", que les Israélites ont aussi déterminé le "shabbat", en tant que jour de pleine lune, le 14 du mois.
Car il faut savoir qu'avant l'exil de Babylone (VIème siècle avant J.-C), les Israélites hénothéistes ne célébraient nullement leshabbat hebdomadaire arithmétique du monothéisme judaïque, avec son rythme septénaire perpétuel et indépendant du comput lunaire. Le seul shabbat qu'ils connaissaient était le shabbat lunaire !

Nous en avons la preuve dans toutes les parties préexiliques de la Bible. Le prophète 'Amos par exemple parle de "nouvelle lune" et de "shabbat", comme étant des jours interdits au commerce (8, 5). Le prophète Hoshe'a (Osée) fustige le peuple en vitupérant que Yahweh mettra fin aux fêtes de "Néoménie" (nouvelle lune) et de "Shabbat" (2, 13). Tandis que le Livre I des Rois (4, 16-23) nous fait un récit révélateur du Shabbat de pleine lune (et non du Shabbat hebdomadaire !).

Ce récit nous parle d'une femme de la ville de Shunam, proche du mont Guilbo'a en Israël. Cette femme accueillait régulièrement chez elle le prophète Elish'a (Elisée) qui y venait prendre ses repas lorsqu'il passait par Shunam.  Or cette femme n'avait pas de fils et son mari était vieux.

Voici le passage biblique en question car il est bon de le citer tel quel pour se replacer dans le contexte :

Élisée lui dit : A cette même époque, l'année prochaine, tu embrasseras un fils. Et elle dit : Non ! mon seigneur, homme de Dieu, ne trompe pas ta servante !
Cette femme devint enceinte, et elle enfanta un fils à la même époque, l'année suivante, comme Élisée lui avait dit.

L'enfant grandit. Et un jour qu'il était allé trouver son père vers les moissonneurs, il dit à son père : Ma tête ! ma tête ! Le père dit à son serviteur : Porte-le à sa mère.
Le serviteur l'emporta et l'amena à sa mère. Et l'enfant resta sur les genoux de sa mère jusqu'à midi, puis il mourut.

Elle monta, le coucha sur le lit de l'homme de Dieu, ferma la porte sur lui, et sortit.
Elle appela son mari, et dit : Envoie-moi, je te prie, un des serviteurs et une des ânesses ; je veux aller en hâte vers l'homme de Dieu, et je reviendrai.
Et il dit : Pourquoi veux-tu aller aujourd'hui vers lui ? Ce n'est ni nouvelle lune ni shabbat.

Encore une fois, il est question ici du cycle lunaire : nouvelle lune et pleine lune ! Il ne peut s'agir du shabbat hebdomadaire (chaque 7 jours) car ce qui est fréquent doit logiquement venir avant ce qui est moins fréquent (nouvelle lune chaque 29-30 jours), et non le contraire ! S'il s'agissait d'un shabbat hebdomadaire, le verset devait s'articuler ainsi : Pourquoi veux-tu aller aujourd'hui vers lui ? Ce n'est ni shabbat et ni nouvelle lune.

C'est d'ailleurs ainsi que formule la chose le prophète postexilique Yhezqel (Ezéquiel), qui vivait à une époque où le shabbat hebdomadaire avait déjà supplanté le shabbat lunaire : Le peuple du pays se prosternera devant l'Éternel à l'entrée de cette porte, aux jours de shabbat et aux nouvelles lunes. (46, 3) 

Mais ce n'est pas tout. Il n'y a une autre preuve que le shabbat lunaire a précédé le shabbat hebdomadaire : Le fait que le mari de la femme de Shunam lui réponde qu'une visite à un prophète ne peut s'effectuer qu'aux jours sacrés de nouvelle lune et de shabbat ! Cela nous prouve bien qu'il ne peut s'agir du shabbat hebdomadaire de la Torah. Car les lois du Pentateuque interdisent justement tout déplacement lors du shabbat hebdomadaire !

Or la suite du récit nous apprend que cette femme de Shunam parcoura à dos d'âne un trajet de près de 80 km jusqu'au mont Carmel, où se trouvait Elisée qui revint avec elle à Shunam et ressuscita son fils. Comment cette femme a-t-elle osé transgresser le shabbat hebdomadaire de la Torah, sans que le prophète Elisée ne lui fasse le moindre reproche !  

Il est donc clair qu'il ne peut s'agir que d'un shabbat de pleine lune, et que ce shabbat lunaire ne contenait aucun interdit de transgression d'un hypothétique "repos divin, après les six jours de création" ! Cela signifie également qu'à l'époque d'Elisée (VIIIème siècle avant EC), la fameuse Torah de Moïse n'était pas encore rédigée ! 

Il est à noter que même dans la période postexilique, le shabbat lunaire n'était pas totalement occulté. Dans les contrées excentrées de Jérusalem (en Galilée par exemple), le souvenir du shabbat lunaire était encore vivace dans le petit peuple rural, quoi qu'il ne fût plus célébré. Cette population rurale, attaché aux cycles lunaires, avaient toutefois la rare opportunité de pouvoir malgré tout fêter le shabbat lunaire, sous couvert de shabbat hebdomadaire.

Cela se passait lorsque par les hasards du calendrier luni-solaire, le shabbat hebdomadaire coîncidait avec le shabbat lunaire ! Et d'autant plus, lors du shabbat lunaire-hebdomadaire du sacrifice pascal lors de la fête de Pâque qui tombe justement un soir de pleine lune, le 14 du mois d'Aviv (Printemps) !
Ce shabbat-ci était alors appelé : le Grand Shabbat ! Nous en avons un témoignage dans l'Evangile de Jean (19, 31) qui soudain nous dit que ce jour de shabbat pascal était un "Grand jour", réminiscence indubitable du shabbat lunaire coïncidant avec le shabbat hebdomadaire !    

Entre parenthèses, et aussi bizarre que cela puisse paraître, notons qu'il y a dans le "Nouveau Testament" plus de 60 occurrences du terme "shabbat". C'est dire son importance théologique !

Mais de quel shabbat s'agissait-il lorsque Yeshou'a énonça sa fameuse sentence : "le shabbat a été fait pour l'homme et non l'homme pour le shabbat ! " (Marc, 2, 27).
Cette sentence osée est en totale contradiction avec le récit de la Genèse sur le repos humain hebdomadaire du shabbat, en tant qu'imitation à Yahweh qui cessa toute activité créatrice ! Par contre, s'il s'agit du shabbat lunaire, alors Yeshou'a avait raison de dire que c'est le comput lunaire du shabbat qui est "fait pour l'homme" et non le contraire. Yeshou'a a donc ici jouer sur la confusion entre shabbat lunaire et shabbat hebdomadaire pour tirer son épingle du jeu, face à ses contradicteurs pharisiens ! 
Après cette digression, revenons au "shappatu" pour comprendre le passage du shabbat lunaire au shabbat hebdomadaire.

Ce n'était au départ que par extension sémantique que les quatre quartiers lunaires de 7 jours chacun, furent aussi appelés des "shappatu". Mais les exilés judéens monothéistes à Babylone, voulurent - tout en conservant cette division en sept (shabb'at), qui vient du chiffre 7 (shibb'ah) des quartiers lunaires -, détacher le shabbat du cycle des phases lunaires des shappatu qui donnaient lieu chez les Babyloniens à des cérémonies païennes et idolâtres de bons ou mauvais présages au cours desquelles il était interdit de travailler ou de se rendre au marché pour vendre et acheter.

La seule solution pour ces judéens monothéistes exilés à Babylone, était de transformer le shabbat lunaire en shabbat septénaire hebdomadaire et perpétuel. Pour cela, ils firent usage de la pseudo synonymie (et en réalité homonymie apparente) entre le chiffre sept en hébreu "shabb'at" (de racine ShB'A) et le substantif shabbat (de racine ShBT, donc sans la consonne 'ayin) qui signifie "cessation".

Par ce biais, ils ont pu rédiger la Genèse afin de donner une assise à leur réforme monothéiste, et construire le mythe de la création en six jours et du repos divin lors du “shabbat”, le septième jour.
Voilà donc d'où vient le fameux et sacro-saint "Shabbat des juifs" !  

Conclusion :
Les exilés judéens monothéistes ont concocté une extrapolation à la fois linguistique et sémantique – qui est en fait une imposture - fondée sur la pseudo synonymie et l'apparente homonymie de ces deux mots (Shabb'at qui signifie sept et Shabbat qui signifie cessation).

Cette imposture qui a eu la fortune théologique que l'on sait, ne doit plus demeurer sacro-sainte. Car au-delà et en dépit de la sacralisation de telle ou telle institution ou croyance, il est du devoir du peuple hébreu de connaître et de retrouver la vérité. Sa vérité ! 

David A. Belhassen

11 коммент.:

  1. Mon cher David, je ne me lasse pas de lire votre article sur le shabbat.
    Vraiment très très intéressant.
    Je suis impatient de lire vos nouveaux articles
    alain

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  2. Bonsoir Alain.Je suis ravi que cet article vous a intéressé. J'espère que ce sera de même pour les suivants.

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  3. Bonsoir David comment vas tu ?

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  4. Bonjour Nejma. Je vais mieux que ce monde "patrac".

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  5. En ce jour de שבע je relis cet article avec grand plaisir. Et je le lis à voix haute à ma famille lors du repas de célébration du soir de célébration du שבת

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  6. Bon repas alors ! Surtout s'il y a sept plats de couscous !

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  7. Et avant que ne soit établi le shabbat lunaire qu'y avait-il ? Parce qu'après tout les hébreux pourraient aussi en revenir là... (je plaisante).

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  8. Votre plaisanterie n'en est pas une. Elle est même ridicule. Si vous n'avez rien à dire ou à opposer à l'article, ne dites rien. C'est plus respectable.

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  9. "Les exilés judéens monothéistes ont concocté une extrapolation à la fois linguistique et sémantique – qui est en fait une imposture..."

    Je suis toujours stupéfait de tout ce que certains mettent sur le dos du fameux exil à Babylone d'une partie des hébreux de Judée pour expliquer des transformations sociétales et inventions religieuses radicales alors que cet exil n'a duré qu'une soixantaine d'années, soit à peine la vie d'un homme. Mais bon, peut-être que la vie dans la grande métropole qu'était Babylone devait être très stimulante pour l'esprit. Il paraitrait même que les judéens s'y plaisaient tellement qu'ils ne voulaient pas vraiment en repartir. Ça n'a pas beaucoup changé finalement...

    Ceci dit, sans eux il est évident que les hébreux, dans cette partie du monde en permanence envahie par des civilisations plus fortes (égyptiens, assyriens, babyloniens, romains, grecs, arabes, turcs...), auraient fini par disparaitre comme nombre d'autres petits peuples antiques alors qu'aujourd'hui il y a un État dont la langue officielle est la leur et que le "best seller" des livres de l'humanité parle d'eux. Et, en regard de ces querelles mineures de shabbat lunaire ou hebdomadaire, ça mérite un peu moins de hargne et un peu plus de reconnaissance, non ?

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  10. Il y a dans l'Histoire des peuples ou des religions, des époques qui peuvent être brèves mais décisives. Le christianisme est né à partir de la prédication d'un sombre galiléen qui n'a duré que 10 ans au plus. L'islam, suite à la folie d'un petit mecquois, durant moins de 20 ans. Idem pour le monothéisme judaïque : une période brève mais décisive !

    Quant à votre manière de justifier a posteriori ce que vous savez ce qui s'est passé, ce n'est rien d'autre qu'un aveu de banal déterminisme historique.
    Le peuple hébreu n'était pas "petit". Il pouvait combattre et triompher de l'occupant romain. Et alors, il n'y aurait eu nullement besoin d'attendre 1900 ans pour reparler l'hébreu dans un Etat souverain.
    Quant au "best-seller", il faut imputer son "succès" au christianisme et non au judaïsme. Et certainement pas au rabbinisme talmudique, cocooné dans sa guemarah araméenne débile !

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