La
Mecque, la célèbre cité sacrée de l'islam où se trouve la non
moins célèbre "Ka'bah", vers laquelle affluent tous les
pèlerins musulmans du monde, n'est mentionnée dans le Coran qu'une
seule fois (sous la forme "makkah"), au verset 24 de la
sourate 48, dont voici la traduction littérale :
وَهُوَ
الَّذِي
كَفَّ
أَيْدِيَهُمْ
عَنْكُمْ
وَأَيْدِيَكُمْ
عَنْهُمْ
بِبَطْنِ
مَكَّةَ
مِنْ
بَعْدِ
أَنْ
أَظْفَرَكُمْ
عَلَيْهِمْ
وَكَانَ
اللَّهُ
بِمَا
تَعْمَلُونَ
بَصِيرًا
c'est
lui qui a écarté leurs mains de vous et vos mains d'eux dans le
ventre de makkah après vous avoir fait triompher sur eux et fut
allah dans ce que vous oeuvrez, observateur
Cette
sourate numérotée 48 dans le Coran que nous avons aujourd'hui entre
les mains, est d'un point de vue de rédaction chronologique, la
sourate 111 sur les 114 du Coran, soit une des dernières sourates.
Selon la plupart des chercheurs, comme Sami El Deeb – elle n'a pas
été rédigée à La Mecque mais à Médine.
Mais
que peut bien signifier "ventre
de makkah"
? Et qui nous prouve qu'il s'agit bien - dans cette expression - de
la cité appelée aujourd'hui "La Mecque", en tant que nom
propre avec l'article défini ?
"Mekkah"
vient de "mak". C'est un mot commun construit sur la racine
"MK" et qui signifie en hébreu et en araméen : "creux",
"bas", "abaissé", "affaissé",
"fondation", "base", "soubassement"
etc… Ce n'est donc pas le nom d'une ville mais tout au plus une
description d'un site situé “en bas”.
Il
est intéressant de remarquer que dans le Talmud, l'emplacement du
Sanctuaire de Jérusalem est désigné comme "Le
nombril du monde"
et "La
roche de fondation"
! Le nombril est en principe l'endroit le plus creux et profond du
ventre. Tandis que "Roche
de fondation"
indique bien qu'il faut d'abord creuser pour bâtir un édifice !
Et
si "mekkah"
signifie "creusement", "soubassement", serait-ce
que ce terme désignait à l'origine l'endroit où la roche fût
creusée pour les fondations sur lesquelles fût bâti le Temple
de Jérusalem
? Se pourrait-il que, bien plus tard et une fois l'islam triomphant,
le sens premier de "mekkah" fut biaisé par les exégètes
musulmans, pour le transposer au Hedjaz, là où vivait la tribu de
Qoraïsh de Muhammad ? D'autant plus qu'il n'y a, dans toute la
littérature arabe préislamique, de quelconque mention d'un lieu qui
s'appellerait Mekkah
!
Un
autre verset du Coran (sourate 3, verset 96) évoque justement "la
Maison du Sanctuaire" comme "dépression" et comme
"vallée", donc comme endroit "bas".
إِنَّ
أَوَّلَ بَيْتٍ وُضِعَ لِلنَّاسِ
لَلَّذِي بِبَكَّةَ مُبَارَكًا وَهُدًى
لِلْعَالَمِينَ
|
certes
la première maison édifiée pour les gens celle à bakkah bénie
et une guidance pour les mondes
|
Ce
mot "bakkah" a été transcrit de manière défectueuse
lors de son passage de l'hébreu à l'arabe. En hébreu, il s'écrit
bak'ah (avec la gutturale 'a), et signifie justement "vallée",
"val", "dépression topographique".
La
"Ka'bah" est également mentionnée une seule et unique
fois. Au verset 95 de la sourate 5 :
يَا
أَيُّهَا
الَّذِينَ
آمَنُوا
لَا
تَقْتُلُوا
الصَّيْدَ
وَأَنْتُمْ
حُرُمٌ
وَمَنْ
قَتَلَهُ
مِنْكُمْ
مُتَعَمِّدًا
فَجَزَاءٌ
مِثْلُ
مَا
قَتَلَ
مِنَ
النَّعَمِ
يَحْكُمُ
بِهِ
ذَوَا
عَدْلٍ
مِنْكُمْ
هَدْيًا
بَالِغَ
الْكَعْبَةِ
أَوْ
كَفَّارَةٌ
طَعَامُ
مَسَاكِينَ
أَوْ
عَدْلُ
ذَلِكَ
صِيَامًا
لِيَذُوقَ
وَبَالَ
أَمْرِهِ
عَفَا
اللَّهُ
عَمَّا
سَلَفَ
وَمَنْ
عَادَ
فَيَنْتَقِمُ
اللَّهُ
مِنْهُ
وَاللَّهُ
عَزِيزٌ
ذُو
انْتِقَامٍ
ô
et ohé ceux qui croient ne tuez pas de gibier alors que vous êtes
en anathème et quiconque parmi vous en tue intentionnellement alors
qu'il paie par semblable bétail de ce qu'il a tué d'après
l'arbitrage décidé parmi vous et cela en offrande qu'il fera
parvenir à la ka'bah
ou bien comme expiation en nourrissant des pauvres ou par son
équivalent en jeûne et cela afin qu'il goûte à son acte allah
pardonne ce qui est passé mais quiconque récidive alors allah se
vengera de lui et allah est puissant et doté de vindicte
La
numérotation “5” de cette sourate sur la Ka’abah,
tout comme la numérotation 48 de la sourate sur "La Mecque",
est trompeuse. Selon l’ordre chronologique, cette sourate est la
112ème, donc celle juste après celle ayant mentionné makkah,
et
une des dernières du Coran !
Mais
que signifie "ka'bah"
? La plupart des philologues estiment que ce mot arabe n'est pas…
en arabe ! C'est en fait la forme arabisée du mot grec "cube"
(kubos), en usage pour désigner un dé. Car l'édifice de la
"ka'bah" est cubique !
Mais
il n'y a pas que l'édifice de la "ka'abah" qui soit
cubique. Un autre édifice qui l'a précédé de plus de 1500 ans
l'était également. Cet édifice est le "Saint
des Saints"
du Temple de Jérusalem ! Celui où nul n'avait le droit d'y pénétrer
pour rendre un culte, hormis le Grand Cohen (descendant d'Aharon, le
frère de Moïse).
Car
si le “Saint des Saints” du Temple de Jérusalem était un "Lieu
d'Adoration à Yahweh”, il était également un site "interdit",
"tabou", de par sa sacralité, et un lieu d'anathème pour
qui transgresserait cet interdit. Et cela, le rédacteur du Coran
(qu'il soit Muhammad ou son scribe) l'a appris chez ses
rabbins-mentors qui vivaient au Hedjaz.
Ce
dont témoigne justement le Coran dans le nom octroyé à l'édifice
le plus sacro-saint de Jérusalem, et que l'islam a ensuite transposé
vers la "Mecque" d'Arabie saoudite : "el
masjid el haram".
La
racine de "masgid" est SGD, une racine araméenne qui
signifie "rendre un culte". On retrouve d'ailleurs cette
racine dans la cérémonie du "Sigd" des Juifs d'Ethiopie :
une fois par an, les membres de la communauté des Juifs d'Ethiopie –
nommés malencontreusement falashas
alors qu'eux-mêmes s'appellent Beta
Israël,
donc Maison
d'Israël
- , se réunissent sur une montagne pour un cérémonial ou un culte
d'adoration, le visage en direction du Sanctuaire
interdit de Jérusalem.
L'expression
"el
masjid el haram",
communément et malencontreusement traduite en français par : "La
mosquée sacrée", n'a donc pas le sens qu'on lui a octroyé :
"mosquée" pour "masjid" n'est pas une
traduction, mais un calque phonétique. Et qui plus est défectueux,
car il aurait fallu transcrire "mosgède" et non "mosquée".
Et "sacrée" pour "haram" est une interprétation,
non pas une traduction. Il faudrait en fait traduire littéralement
"el
masjid el haram"
par "le
lieu d'adoration tabou"
!
En
conclusion, ni "La Mecque" et ni la "Ka'bah", et
encore moins la "Mosquée sacrée", n’étaient à
l'origine situées où elles se trouvent aujourd'hui. Le Coran, par
ces termes, n'évoquait qu'un seul et unique endroit : Jérusalem,
son Sanctuaire, et son "Saint des Saints" ! Et ce, jusqu’au
jour où l’islam s’est "émancipé" du judaïsme et l'a
ensuite supplanté.
Aujourd'hui,
par un bizarre retournement des choses – dont l'origine est
politique et dont l'objectif est la mainmise
arabo-palestino-musulmane sur Jérusalem -, les musulmans ont replacé
Jérusalem au centre de leurs préoccupations. Et en cela ils sont
redevenus fidèles au Coran qui a presque tout emprunté au judaïsme
rabbinique.
Bonjour David, c'est Kevin.
RépondreSupprimerJe suis heureux de constater que vous jouissez encore de l'énergie suffisante pour alimenter ce blog passionnant et délicieusement sulfureux. Car oui, votre plume a trempé dans le souffre "galiléen" du rationalisme le plus raffiné. J'ai souvent pensé à vous ces temps derniers, craignant de voir disparaître un homme de votre trempe. Vos travaux m'inspirent énormément, ma cervelle se transforme peu à peu en incubateur d'héritage intellectuel via internet. Votre ton me stimule, votre style me dévore, votre érudition me transcende. Je tenais à vous remercier. Et à vous informer que le combat que vous menez depuis si longtemps a trouvé un fils spirituel. Continuez David. Je vous souhaite le meilleur.
Bonsoir Kévin. Cela me fait un plaisir immense de vous lire et de savoir qu'en dépit de la distance, nous avons conservé le lien d'amitié qui, désormais, a laissé sa marque indélébile. Je prends cette déclaration de "fils spirituel" avec la plus grande joie, connaissant votre fougue intellectuelle et votre aspiration à la vérité, à la liberté, et à la justice. J'espère encore pouvoir vous transmettre le peu que je connais, et le plus longtemps possible. Le bonjour chaleureux aux personnes qui nous sont si chères, à Fati et à Didier en particulier.
SupprimerBonjour David bis reperitae que Kevin.
RépondreSupprimerJe suis époustouflée par votre démonstration.
Bonsoir Nejma. Tous mes remerciements pour votre soutien et votre affection. J'espère que le restaurant éthiopien à Paris est toujours ouvert pour accueillir les "derniers Mohicans" qui aspirent encore à "refaire le monde".
SupprimerOui il l'est toujours. Vous faites un saut bientôt ? Cela me comblerait de joie.
SupprimerJ'espère en effet faire bientôt un petit saut. Je n'ai pas encore de date, mais de vous revoir tous me ferait grand plaisir.
Supprimerbonjour David . l analyse est très excellente comme d habitude dans tes écrits . mais je voulais poser juste une question car je ne connais rien sur la langue hébreu ;quel est le lien terminologique entre les deux mots : Mekkah et MK
RépondreSupprimerCe dernier MK veut dire en hébreu ؟ אבן השתייה
Bonjour Elina. D'un point de vue étymologique la racine MK en hébreu signifie "bas", "profond", "fond", "creux", comme dans la déclinaison "namukh" נמוך qui signifie "abaissé", "affaissé". Ou encore comme dans l'expression biblique "ki yamoukh ahikha" כי ימוך אחיך qui signifie "si chute ton frère".
RépondreSupprimerCela a en effet un rapport avec אבן השתייה qui signifie "pierre de fondation", "roche creuse", et de là son emprunt coranique "mekka".
Bonjour
RépondreSupprimerVous citez "La "Ka'bah" est également mentionnée une seule et unique fois. Au verset 95 de la sourate 5"
Si vous aviez vraiement lu le Coran vous auriez remarqué que le terme apparaît une deuxième fois 2 versets plus loin au 5:97.
Bien à vous :)
Bonjour. Le terme apparaît en effet une seconde fois au verset 97 de la sourate 5. C'est une inattention de ma part que j'ai ensuite corrigée mais la correction n'avait pu être introduite dans cet article "fermé", à moins de faire appel à l'administrateur du site.
RépondreSupprimerJe vous remercie pour cette notification. Mais elle ne change en rien l'argumentaire de l'article.
Bonjour très bon article mais j'ai une question . est ce qu'on retrouve des traces de civilisation juifs a laMecque ? parce-que a lire la sunnah du prophete les juifs chretiens et musulmans cohabitait alors que si ont retrouve justement aucune traces de cela a lamecque il y a de quoi ce poser des questions .. Merci encore
RépondreSupprimerBonjour Nacim. Vous posez là une très bonne question. Car si la présence de Juifs au Yemen est attestée depuis le 2ème siècle après EC, il n'y a aucune source historique concernant une installation juive à la Mecque d'aujourd'hui. Est-ce parce qu'à l'époque du VIème siècle après EC, "la Mecque" n'était en fait qu'un oasis de passage vers le Yemen ? Est-ce aussi que la Sunnah relate de manière anachronique une pseudo cohabitation judaïco-christiano-musulmane ? Ou est-ce tout simplement que dans le Coran le terme "Mecca" ne désigne pas du tout la "Mecque" d'aujourd'hui ? C'est une véritable énigme qu'il faudrait creuser !
RépondreSupprimerBonjour David, Je viens de lire dans le grand secret de l'islam que dans le manuscrit de Sanaa, La sourate 48 s'arrête au verset 23 et reprend en S49,12.
RépondreSupprimerComme par hazard, le verset 24 parlant de la Mecque a été ajouté tardivement comme d'ailleurs un des rares versets parlant de Mohammed (48,29).