Dans tout le Coran, les "juifs" ne sont mentionnés que 18 fois dans 17 versets différents (le verset 113 de la sourate 2, les mentionnant deux fois).
Mais étant donné que les versets du Coran ne sont pas placés dans un ordre
chronologique de rédaction, mais dans un ordre arbitraire de longueur plus ou
moins décroissant, la lecture telle quelle du Coran n'est guère susceptible de
révéler l'évolution négative qui s'est progressivement installée dans sa
relation avec les juifs, allant de l'admiration pour ses "mentors",
jusqu'à la jalousie, l'animosité, et enfin la haine déclarée !
Aussi, avons-nous privilégié une autre manière d'analyse : la sémantique et
l'étymologie.
Le nombre de fois, somme toute réduit, mentionnant les "juifs", laisse
perplexe lorsque l'on sait ô combien le Coran emprunte à la Bible judaïque (et
plus particulièrement au Pentateuque ou Torah de Moïse et aux Psaumes) ainsi
qu'aux enseignements des rabbins.
Ce phénomène est certes contrebalancé par le fait que l'expression
"Fils d'Israël" revient près de 50 fois, mais cela ne diminue en rien
la perplexité concernant la rareté relative du terme "juifs".
D'autant plus que même l'usage du terme "juifs" dans le Coran est
ambigu et ambivalent.
"Juifs" y apparaît 8 fois sous sa forme originelle "yahuwd"
et 10 fois sous une forme bizarre et spécifique au Coran : "haduw" ou
"huwdan". Certains exégètes et traducteurs du Coran, ont prétendu que
la forme "yahuwd" concernait les "judéens", donc les "juifs
de souche", et que la forme dérivé "haduw" ou "huwdan"
était réservé aux "judaïsants", c'est-à-dire aux convertis au
judaïsme parmi les arabes.
Tout d'abord, nous allons relever toutes les fois que ces deux formes
"yahuwd" et "haduw" (ou "huwdan") apparaissent,
puis nous les analyserons pour savoir si cette distinction entre "juifs de
souches" et "convertis au judaïsme" est réelle ou si elle n'est
destinée qu'à camoufler autre chose : une énorme bourde étymologique et
grammaticale du Coran.
Cette analyse est importante car l'exégèse musulmane se fonde sur le Coran
pour accuser les “juifs” d’avoir falsifié la Torah que leur a transmis Moïse,
et dans le même souffle, prétend que le Coran - descendu du ciel par
l’intermédiaire de l’Ange Gabriel - corrige les falsifications introduites par
les “juifs”.
Mais d'autre part, d'autres exégètes musulmans
se défendent de l'accusation d'animosité du Coran envers les "juifs"
et disent que le Coran fustige uniquement les arabes "judaïsants" qui
ont mal compris l'enseignement des vrais "juifs", l'ont déformé, et
ont fait preuve de mépris et de dédain à l'égard de Muhammad et de la
communauté musulmane naissante.
Il est aussi à remarquer que presqu'à chaque
fois que le terme "juif" ou "judaïsant" apparaît dans le
Coran, à ses côtés on trouve "naçara" ("nazaréens"
en français) qui désigne soit une secte judéo-chrétienne, soit tous les
chrétiens. Un prochain article sera consacré à ces "naçara", mais en attendant
revenons à notre liste exhaustive (18 fois) sur les "juifs".
*Note : Nazaréens : secte
judéo-chrétienne qui reconnaissait Jésus comme le Messie
d'Israël. Leur nom vient de la racine hébraïque nçr qui signifie garder,
protéger, défendre. Elle se retrouve dans l'expression biblique :
noçrey ha brith : les gardiens de l'Alliance (avec Yahweh).
Penchons-nous donc en premier sur les versets
ayant la forme originale "yahuwd"
et qui retransmet fidèlement la forme “yehuwdi” en hébreu.
.
.
*Note : chaque verset aura sa transcription
phonétique pour faciliter le déchiffrage du contenu au lecteur non arabophone,
ainsi que sa traduction littérale en français. Cette dernière apparaîtra
souvent comme du charabia, mais aura l'avantage de la fidélité au texte du
Coran tel qu'il est, sans ponctuation, sans majuscules et autres
"fioritures".
De plus, cela permettra au lecteur francophone
qui ignore la syntaxe arabe, de s'y familiariser et de suivre la traduction mot
à mot à l'aide de la transcription phonétique.
Sourate 2, verset 113 :
وَقَالَتِ الْيَهُودُ لَيْسَتِ النَّصَارَى عَلَى شَيْءٍ وَقَالَتِ النَّصَارَى لَيْسَتِ الْيَهُودُ عَلَى شَيْءٍ وَهُمْ يَتْلُونَ الْكِتَابَ كَذَلِكَ قَالَ الَّذِينَ لَا يَعْلَمُونَ مِثْلَ قَوْلِهِمْ فَاللَّهُ يَحْكُمُ بَيْنَهُمْ يَوْمَ الْقِيَامَةِ فِيمَا كَانُوا فِيهِ يَخْتَلِفُونَ
Transcription phonétique :
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wa qalat al yahuwd laysat al naçara ‘ala shay wa qalat al naçara laysat al yahuwd ‘ala shay wa hum
yatluwn al kitab kadhalik qal aladhin la ya’lamuwn mithl qawlihim fa allah yahkum
baynahum yawm al qiyamat fyma kanuw
fyhi yakhtalifuwn
Traduction littérale :
et disent les
juifs ne tiennent les naçara sur rien
et disent les naçara ne tiennent les judéens
sur rien or ils récitent l'écrit de même parole ceux qui ne savent pas sont
semblables leurs dires et allah jugera entre eux au jour du relèvement sur ce
dont ils divergent
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Sourate 2, verset 120 :
وَلَنْ تَرْضَى عَنْكَ الْيَهُودُ وَلَا النَّصَارَى حَتَّى تَتَّبِعَ مِلَّتَهُمْ قُلْ إِنَّ هُدَى اللَّهِ هُوَ الْهُدَى وَلَئِنِ اتَّبَعْتَ أَهْوَاءَهُمْ بَعْدَ الَّذِي جَاءَكَ مِنَ الْعِلْمِ مَا لَكَ مِنَ اللَّهِ مِنْ وَلِيٍّ وَلَا نَصِيرٍ
Transcription phonétique :
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wa lan tard ‘anka al yahuwd
wa la al naçara hata tattabi’ milatahum qul ina huda allah huwa al huda walain itaba’t ahwaahum ba’d al
ladhiy jaak min al’ilm ma lak
min allah min waliy wa la naçir
Traduction littérale :
et tu ne
seras pas agréé par les juifs et ni par les
naçara jusqu'à ce que tu adhères à leur parole dis certes la guidance d'allah
est la guidance mais si tu adhères à leurs vanités après ce qui t'est venu de
savoir il n'y aura pour toi en allah ni protecteur et ni gardien
*Note : le
mot "guidance" (huda) évoque ici irrésistiblement le terme
"hudan" (judéïté ou judaïsation) à tel point qu'on peut aussi le
comprendre comme "la judaïté d'allah" (sic !).
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Sourate 5, verset 18 :
{18} وَقَالَتِ الْيَهُودُ وَالنَّصَارَى نَحْنُ أَبْنَاءُ اللَّهِ وَأَحِبَّاؤُهُ قُلْ فَلِمَ يُعَذِّبُكُمْ بِذُنُوبِكُمْ بَلْ أَنْتُمْ بَشَرٌ مِمَّنْ خَلَقَ يَغْفِرُ لِمَنْ يَشَاءُ وَيُعَذِّبُ مَنْ يَشَاءُ وَلِلَّهِ مُلْكُ السَّمَاوَاتِ وَالْأَرْضِ وَمَا بَيْنَهُمَا وَإِلَيْهِ الْمَصِيرُ
Transcription phonétique :
wa qalat al yahuwd wa al naçara nahnu abnao allah wa ahibaohu qul
falima yu’adhibukum bidhunuwbikum bal antum basharun mimman khalaqa yaghfiru
liman yashao wayu’adhibu man yashao walillahi mulku al samawati wa al ardi wa
mabaynahuma wa ilayhi al
maçiyru
Traduction littérale :
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et ont dit les juifs
et les naçara nous sommes les fils d'allah et ses affectionnés dis alors
pourquoi vous châtie-t-il pour vos péchés vous n'êtes que de la chair qu'il a
créé il pardonne à qui il veut et il châtie qui il veut et à dieu la royauté
des cieux et du pays et ce qui est entre les deux et vers lui est la voie
étroite
Sourate 5, verset 51 :
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Première conclusion :
Ces versets ne montrent pas la moindre bienveillance
pour les juifs. Non seulement, on y lit de la jalousie cachée et une animosité
tenace, mais on trouve également le mensonge flagrant et la calomnie
théologique. En effet, les juifs n'ont jamais dit que le prestigieux personnage
biblique 'Ezrah le scribe (transcrit dans le Coran de manière fantaisiste par
'Uzayr) était le fils de Dieu !
A présent, passons à la forme dérivée haduw
ou huwdan :
Sourate 2, verset 62 :
إِنَّ الَّذِينَ آمَنُوا وَالَّذِينَ هَادُوا وَالنَّصَارَى وَالصَّابِئِينَ مَنْ آمَنَ بِاللَّهِ وَالْيَوْمِ الْآخِرِ وَعَمِلَ صَالِحًا فَلَهُمْ أَجْرُهُمْ عِنْدَ رَبِّهِمْ وَلَا خَوْفٌ عَلَيْهِمْ وَلَا هُمْ يَحْزَنُونَ
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Transcription phonétique :
ina al ladhin amanuw wa al
ladhin haduw wa al naçara wa al çabîin man amana
bi allah wa al yawm al akhir wa ’amila salihan
fa lahum ajruhum ‘ind rabihim wa la khawf
‘alayhim wa la hum yahzanun
Traduction littérale :
voici ceux
qui ont cru et ceux qui judaïsent et les
naçara et les çabéens de ceux qui ont cru en allah et au jour dernier et ont
œuvré à la réussite alors à eux leur rétribution chez leur majeur et point de
frayeur sur eux et ils ne seront pas affligés
*Note : çabéens : secte monothéiste dont les origines sont obscures, et pourrait être assimilée aux disciples
de Jean-Baptiste. A ne pas confondre avec sabéens, population
sudarabique polythéiste de la région de Saba.
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Sourate 2,
verset 111 :
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Sourate 2, verset 135 :
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وَقَالُوا كُونُوا هُودًا أَوْ نَصَارَى تَهْتَدُوا قُلْ بَلْ مِلَّةَ إِبْرَاهِيمَ حَنِيفًا وَمَا كَانَ مِنَ الْمُشْرِكِينَ
ואמרו היו יהודים או נוצרים תודרכו אמר לאו כי
אם מלת אברהם החנפן ולא היה מן המשתפים
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Transcription
phonétique :
wa qaluw kuwnuw huwd
aw naçara tahtaduw qul bal milat ibrahiym haniyf wa ma kana min al mushrikiyn
Traduction littérale :
et ils dirent
soyez judaïsants ou naçara vous serez guidés
dis nenni seule la parole d'abraham le courtisan et il n'était pas parmi les
associateurs
*Note : On voit bien ici que le doublon
"judaisants" et "guidés" était à l'origine un jeu de
mots. Ce quasi calembour entre huwd ("judaïsant") et tahtaduw
(forme déclinée signifiant "être guidé" en arabe) n'a pu
venir que d'un rabbin qui "jonglait" entre l'hébreu et l'arabe, et
qui fut repris par le rédacteur du Coran sans en connaître la signification
hébraïque.
Quant à "Abraham le courtisan", la
traduction courante est "Abraham le chef", ou "le
dirigeant", ou encore "le fervent", voire "le pur
monothéiste". Or "haniyf" vient d'une racine verbale hébraïque
hnf ayant une acception péjorative de "flatter" ou "flagorner",
de "soudoyer". Il faudrait donc dans le cadre du Coran et de
l'islam, le traduire par "flatteur d'Allah" ou pour être moins
péjoratif : "courtisan d'Allah".
Sourate 2, verset 140 :
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David A. Belhassen
Je n'avais pas encore lu cet article. Il est passionnant même si très difficile d'accès lorsqu'on ne connaît pas l'arabe.
RépondreSupprimerCe qu'on apprend sur les Yehoudim et Yehouda est encore plus passionnant. Ainsi Yehouda n'a rien à voir avec Yahveh mais fait écho (ahahah) au dieu de l'écho Hado, le dieu des grottes et des cavernes, nombreuses en Judée (comme les grottes de la mer morte par exemple).
Et cette falsification de l'étymologie populaire ne viendrait donc pas du Talmud dis-tu, comme c'est souvent le cas, mais directement du Pentateuque si j'ai bien suivi. Ainsi on imagine les Judéens et "juifs" ou judaïques falsifier leur propre origine, volontairement ou involontairement, sans le savoir peut-être, pour mettre en avant le Dieu-Un Yahveh qui avait fini dans leur esprit par effacer tous les autres dieux, y compris leur dieu à eux, gens de la caverne et des grottes (qu'étaient donc les Judéens de souche, et non plus les judaïques revenus de Babylone), Hado.
Il faut s'accrocher pour te lire et se coltiner les traductions littérales de l'arabe, mais on est en fin de compte bien récompensé.
Mais pourquoi appelez-vous toujours "falsification" le passage, certainement long et complexe, du polythéisme au monothéisme, d'une croyance à une autre et qui passe nécessairement par l'emploi de néologismes et de néosémies ?
SupprimerC'est la vie même des langues et donc de toutes les idées qu'elles véhiculent que vous condamnez en permanence à chaque changement ou évolution !
A vous entendre les hébreux de Judée auraient dû rester dans leurs grottes à vénérer un "Dieu de l'écho"...
Ce que j'appelle "falsification", n'est pas le passage du polythéisme au monothéisme, mais l'explication fausse donnée au nom de Yeshoudah. Il n'est question ici ni de néologismes et ni de néosémie. C'est simplement une lacune linguistique voulant expliquer par l'étymologie populaire d'homonymie au lieu d'étymologie scientifique grammaticale. Un peu comme dire que le nom Michel, venait de "miche", à cause de l'homonymie.
SupprimerA Meïr. Il est peu probable que cette falsification - par le biais de l'étymologie populaire - soit involontaire. Le (ou les) rédacteur de la Genèse n'était pas à ce point ignare. Il savait pertinemment d'où venait le mot "hed" (écho). Mais son monothéisme l'a pour ainsi dire obligé à remplacer "Hado" par "Yeho". Il y a à cela une preuve biblique, lorsque le nom "Hadoram" est remplacé par "Yehoram".
RépondreSupprimerJe vais vous donner un exemple de l’insuffisance d'analyses historiques qui ne seraient basées que sur la sémantique et l'étymologie pour tout comprendre et expliquer...
RépondreSupprimerQue signifie le mot métaphysique ? l'analyse sémantico-éthymologique répond : au-delà ou après la physique. En quoi sommes nous plus avancé sur son sens ?
L'analyse historico-sémantique répond, elle, qu'à l'origine il s'agit simplement d'un sens éditorial : les livres d’Aristote qui arrivent après ceux qu'il a consacrés à la physique.
Devrions-nous en rester là, est-ce suffisant ? Et surtout est-ce là le sens que nous donnons à ce mot ? Il semble que non à tel point que 2.000 ans plus tard des philosophes écrivent encore des livres s'intitulant : "qu'est-ce que la métaphysique ?" et ce alors qu'Aristote ne connaissait même pas ce terme que nous rattachons pourtant à sa pensée et à ses écrits !
Allez-vous parler là aussi de falsification ?
Votre exemple n'a aucun lien, de près ou de loin, avec ce dont on parle. Car ici, la Bible tente dès le départ de donner une étymologie erronnée à Yehudah. La Bible ne dit pas : "oui, Yehudah vient de Hed le Dieu de l'écho, mais ce nom peut aussi se comprendre comme "il remercie". D'autre part, je doute fort de votre "analyse historico-sémantique". Métaphysique ne signifie "les livres d'Aristote après ceux consacrés à la physique", mais "au-delà de la physique", et sans rapport direct avec les livres d'Aristote sur la physique.
SupprimerThhanks for sharing
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